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GRB 250314A : Un message venu du fond des âges

Imaginez. Il y a environ 13 milliards d’années, l’une des premières étoiles de l’Univers s’effondre en un trou noir, libérant un éclair de lumière d’une puissance inouïe. Cette lumière traverse l’Univers en expansion, franchit les premières galaxies, puis dérive à travers les âges… jusqu’à nous. Et ce 14 mars 2025, SVOM l’a captée.

Une course contre le temps

À 12h56 UTC, un signal jaillit des profondeurs de l’Univers. ECLAIRs, l’œil vigilant de SVOM, le détecte immédiatement et donne l’alerte. La machine est en marche : le satellite pivote, pointe ses instruments à petit champ MXT et VT, et commence à observer ce qui pourrait être l’un des sursauts gamma les plus lointains jamais détectés.

Grâce aux données transmises en temps réel via le réseau VHF de SVOM, notre équipe de scientifiques d’astreinte tente de déterminer s’il s’agit d’une véritable alerte ou d’une simple fluctuation du bruit de fond. La tâche s’avère difficile pour plusieurs raisons :

  • Au moment de l’alerte, le satellite survole une zone blanche du réseau VHF dans l’océan Pacifique, empêchant la réception complète des données.
  • Le signal reçu par ECLAIRs est faible et sous le seuil de détection nécessaire pour déclencher une alerte automatique à la communauté internationale.

À 13h07, nous sommes véritablement alertés. Malgré ces difficultés, la détection simultanée du signal par l’instrument GRM renforce la confiance des scientifiques. À 13h23, nous prenons la décision d’informer la communauté internationale en envoyant un bref message aux observatoires du monde entier.

Liste des messages échangés au sein de la communauté internationale concernant la détection et l’observation du sursaut gamma GRB 250314A. Ces messages sont échangés grâce à un service de la NASA.

Un voyage dans la jeunesse de notre Univers

Grâce à la réactivité des scientifiques de SVOM, d’autres observatoires se mobilisent rapidement pour rechercher la contrepartie optique et proche infra-rouge du sursaut gamma. Le Nordic Optical Telescope, ainsi que l’observatoire spatial Neil Gehrels Swift et le satellite Einstein Probe, pointent leurs instruments vers la source et affinent sa localisation. Les observations d’Einstein Probe confirment même la nature transitoire de la contrepartie optique, un indice clé en faveur d’un sursaut gamma. Du côté de SVOM, les instruments MXT et VT n’ont cependant pas détecté la contrepartie. Cette absence pourrait indiquer que l’événement est particulièrement lointain…

L’excitation monte lorsqu’au sol, le Very Large Telescope (VLT) et son spectrographe X-shooter nous plongent dans la jeunesse de l’Univers. Environ 17 heures après l’alerte de SVOM, le spectre acquis par le VLT révèle un décalage spectral estimé à z ~7,3. La mesure est ensuite confirmée par le Grand Télescope des îles Canaries.

Distribution des sursauts gamma en fonction de leur distance. Les étoiles représentent les sursauts détectés par SVOM dont le redshift a été mesuré. Les pentagones indiquent les quatre sursauts les plus lointains jamais détectés, GRB 250314A étant le troisième dont la distance a été déterminée par spectroscopie. Ces sursauts sont associés aux premières étoiles de l’Univers, formées moins d’un milliard d’années après le Big Bang.

Un tel décalage spectral signifie que la lumière de ce sursaut gamma a été émise alors que l’Univers n’avait que 730 millions d’années, contre 13,7 milliards d’années aujourd’hui. Ce sursaut gamma pourrait bien être le signe de l’évolution en trou noir d’une des toutes premières étoiles de l’Univers. Il s’agit du 5ᵉ sursaut gamma le plus lointain jamais détecté ! Comme pour les sursauts GRB 090423 et GRB 120923A, le redshift de notre sursaut du 14 mars a été déterminé grâce à son spectre. En revanche, pour GRB 090429B et GRB 100905A, il a été estimé sans mesure spectrale, en comparant l’intensité à travers différents filtres. Cette méthode, qui permet de déterminer un redshift photométrique, est moins précise que la méthode spectroscopique. En tenant compte de cela, notre sursaut gamma est même le troisième le plus lointain dont la distance a été mesurée avec précision grâce à son spectre.

Séquence d’images dans le proche infrarouge acquises dans différents filtres, de la courte à la grande longueur d’onde, à l’aide de deux télescopes terrestres : le Gran Telescopio Canarias (z) et le Very Large Telescope (Y, J, H). De gauche à droite, la longueur d’onde centrale de chaque bande est de 969,5 nm, 1021 nm, 1258 nm et 1620 nm. En se concentrant sur le centre de chaque image, il est évident que la contrepartie optique est absente dans la bande z alors que le flux apparaît dans les trois autres bandes (Y, J, H). Les objets éloignés voient leur lumière à courte longueur d’onde absorbée, tandis que celle à grande longueur d’onde subsiste. La disparition de la rémanence entre les bandes z et Y, ainsi que les données spectroscopiques plus détaillées que nous avons également obtenues, nous permettent de mesurer précisément la distance du sursaut. Crédits : Stargate/ESO VLT Programme 114.27PZ (bandes Y, J, H) et GTC Programme GTCMULTIPLE4G-25A (bande z).

Les analyses des données recueillies par SVOM et ses partenaires permettront d’établir les propriétés physiques de ce sursaut primordial et de son environnement local, afin de les comparer aux populations de sursauts détectées à travers les différentes âges de l’Univers.

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