Une belle nuit pour la chasse aux sursauts gamma
Journal de bord de l’avocat sursaut …
Mercredi 5 février 2025, il est 22h25 lorsque je reçois une notification sur mon téléphone. Le télescope ECLAIRs, à bord du satellite SVOM, a détecté une bouffée de rayons X et gamma et a immédiatement déclenché le re-pointage automatique du satellite pour observer la région du ciel avec les instruments à petit champ de vue MXT et VT.
Très rapidement, nous organisons une visioconférence d’urgence avec les autres scientifiques d’astreinte, au cours de laquelle nous interprétons les premières données envoyées en temps réel par le satellite via le réseau d’antennes VHF. Ces données, qui comportent notamment une portion de l’image du ciel acquise par le télescope ECLAIRs, nous donnent confiance dans la nature astrophysique du phénomène détecté : il s’agit très probablement d’un sursaut gamma.
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Afin d’alerter la communauté, nous rédigeons une circulaire résumant notre détection, en fournissant notamment la position nécessaire au suivi optique du phénomène. Initialement, cette position est fournie uniquement par ECLAIRs, mais au bout de quelques minutes, nous recevons une localisation plus précise, obtenue grâce aux observations rapides avec le télescope MXT à bord de SVOM. Notre circulaire est publiée à 23h18 (T0+53 min) : https://gcn.nasa.gov/circulars/39154. Le sursaut est baptisé GRB 250205A.
Dans la foulée, l’instrument VT localise la source avec une excellente précision, de l’ordre d’une seconde d’arc (https://gcn.nasa.gov/circulars/39159). Ces observations confirment la nature transitoire du phénomène, car la luminosité commence déjà à décroître. Le temps presse pour poursuivre les observations avant qu’il ne soit trop tard !
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Pour les spécialistes des instruments ECLAIRs et MXT observant à haute énergie, c’est l’heure d’aller dormir, mais pour les collègues en charge du suivi optique, ce n’est que le début. Dans les heures qui suivent, plusieurs observatoires au sol commencent à observer le ciel autour de la position fournie par SVOM : l’Observatoire de Haute-Provence (T193), l’Observatoire du Roque de los Muchachos sur l’île de La Palma (LT, GTC), ainsi que l’Observatoire astronomique national de San Pedro Mártir, au Mexique (Colibri). Des télescopes spatiaux observent également la cible (Swift, Einstein Probe).
Ces différentes observations en optique et en proche infrarouge confirment également la nature transitoire du phénomène : en effet, le flux lumineux diminue rapidement au fil du temps.
Grâce aux observations spectroscopiques réalisées à seulement T0+1h45 avec le Grand Télescope des Canaries (10,4 m de diamètre), la distance du sursaut gamma a même pu être déterminée. Son redshift est de 3,55 (https://gcn.nasa.gov/circulars/39160), ce qui signifie que la lumière émise par ce sursaut gamma — qui a sans doute marqué la naissance d’un trou noir lors de l’effondrement d’une étoile très massive — a été émise à une époque où l’Univers n’était âgé que de 1,8 milliard d’années. Sa lumière a voyagé jusqu’à nous pendant presque 12 milliards d’années avant d’être détectée par les instruments à bord de SVOM !
Il reste encore du travail d’analyse pour bien comprendre la nature précise du phénomène et déterminer ses caractéristiques, mais on peut déjà se réjouir que la séquence d’observations multi-longueur d’onde, à bord de SVOM et au sol au sein de la communauté, ait été réalisée si rapidement. Cela a permis d’observer le sursaut dans plusieurs longueurs d’onde et même d’en obtenir la distance.